La gestion du gaspillage alimentaire s’intensifie en France. L’Etat impose de nouvelles obligations pour les industriels. Mais la chasse au gâchis est aussi une occasion de modérer leurs coûts de fonctionnement. A la clé : une performance améliorée !

Moins de gaspillage alimentaire, une cause environnementale, économique et éthique

Des mains gantées montrent des tomates difformes

Les produits qui ne correspondant pas aux standards de production sont écartés des circuits de vente traditionnels. Ces pertes sont considérées comme du gaspillage.

La France a fait du gaspillage alimentaire une de ses priorités. Et pour cause : le cumul des produits gâchés et des pertes s’élèverait à 10 Mt de produits par an (source ADEME1 – 2016). Un volume équivalent à 16Md€ et 15 Mt de CO2. Cela représente 3 % des émissions nationales.

Selon le ministère de l’Agriculture « toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à un endroit de la chaîne alimentaire est perdue, jetée, dégradée, constitue le gaspillage alimentaire ». La fabrication de ces aliments non consommés mobilise en effet des terres cultivables ou encore de l’eau. Une sollicitation des ressources naturelles qui pourrait être évitée.

De plus, le traitement des surplus et déchets a un coût financier. Les bénéfices d’une diminution du gâchis et des pertes de produits comestibles sont donc pluriels. Au-delà des enjeux environnementaux et économiques, la réduction du gaspillage alimentaire a aussi une dimension éthique. Surtout quand l’on sait qu’1 Français sur 4 ne mange pas à sa faim2.

Du gaspillage tout au long des filières alimentaires

L’ensemble de la chaine génère du gaspillage alimentaire. C’est ce que confirmait l’état des lieux réalisé en 2016 par l’Ademe. La consommation génère certes 33% du gâchis. Mais plus de la moitié intervient lors des étapes de production et de transformation. Elles contribuent pour, respectivement, 32 % et 21% du total. La distribution est responsable de 14 %.

Dans le détail, toutes les pertes après récolte sont comptabilisées. Et ce notamment durant les étapes de tri, stockage, transport et transformation. Les retours des clients non valorisés sont aussi pris en compte. Au stade de la distribution, les produits périmés, abîmés ou encore les invendus s’ajoutent au bilan.

Les actions pour réduire les pertes alimentaires montent en puissance

La France s’est saisie de la question du gaspillage alimentaire dès 2013. Depuis 2015, les lois se sont enchainées. En 2017, l’Etat définit l’objectif de -50 % de gâchis en 2025, par rapport à 2015, pour la distribution et la restauration collective. L’échéance est prolongée à 2030 pour les stades de consommation, production, transformation et la restauration commerciale.

    • Portée progressive des mesures pour éviter de jeter des produits comestibles
      Conformément à la loi Egalim3, l’obligation de don est généralisée fin 2019. La loi Garot de 2016 la cantonnait jusqu’alors à la distribution. Cette mesure a été étendue à la restauration et aux industries agroalimentaires. Pour ces dernières, elle se limite aux opérateurs réalisant plus de 50M€ de CA. L’interdiction de rendre des denrées impropres à la consommation est aussi élargie.La loi Agec de février 2020 impose les consignes de dons également au commerce de gros. Elle ajoute aussi, cette fois, des procédures de suivi et de contrôle de leur qualité. Enfin, la législation durcit les sanctions en cas d’infraction (jusqu’à 0,1 % du CA). L’amende sera ajustée en fonction de l’importance des manquements constatés.
    • Un bilan anti-gaspillage à réaliser pour les industriels
      Fait majeur, la dernière législation oblige les industries à dresser un bilan de leurs pertes. Les transformateurs doivent réaliser un diagnostic préalable de lutte contre le gaspillage. Une première étape avant d’aller plus loin. Car dans les faits, les Etats membres doivent transmettre à la commission les premières données mi-2022. Un bilan leur sera ensuite demandé tous les 4 ans. La crise sanitaire pourrait toutefois bouleverser ce calendrier. La loi ambitionne aussi une meilleure gestion des stocks. Elle prévoit que les codifications des produits intègrent DLC, dates de durabilité minimale (ex-DLUO) et numéros de lots. Cela viserait à faciliter le traitement informatique des stocks. L’entrée en vigueur de cette mesure de modération du gaspillage est prévue pour janvier 2022.

Les transformateurs ont les moyens de limiter le gâchis

Outre la dimension légale, réduire le gaspillage peut être source d’économies pour les acteurs de l’agroalimentaire. Les pertes et déchets ont en effet un coût. Celui-ci est d’ailleurs souvent sous-estimé par les entreprises, observe l’Ademe. Pour la simple raison que leurs volumes ne sont pas suivis avec attention.

Chiffrer, identifier les sources de pertes puis réduire

Pertes de matière, mobilisation inutile de main d’œuvre et d’énergie ne sont pas finement évalués. Pas plus que leurs coûts de gestion, externes comme internes. Des paramètres qui peuvent doubler la note finale, comme le souligne l’Ademe. Celle-ci a aidé en 2017 des entreprises à piloter la problématique4. En moyenne, pour les 19 sites agroalimentaires observés, 9,4% de la production étaient perdus. De simples actions peuvent pourtant améliorer la situation.

Accompagné par l’Ademe, Jacquet Brossard s’est par exemple attaqué au tranchage de ses pains. L’épaisseur des talons a été réduite en changeant de moule. Des actions organisationnelles ont aussi été mises en place. A la clef, sur un seul site : 60t/an de pertes en moins. Soit une économie de 30k€/an mais aussi de CO2. Autre exemple de levier : Bonduelle alimente depuis 2014 des méthaniseurs avec ses épluchures de légumes. La valorisation énergétique est aussi considérée comme un axe de réduction du gaspillage.

De nouvelles offres pour valoriser les produits écartés

La volonté de préserver les aliments a fait émerger de nouveaux services et réseaux. Avec l’idée de sauver les produits. Parmi elles, Foodologic met en relation des agriculteurs avec des conserveries ou légumeries. Elle les aide à valoriser leurs invendus. Rebelles récupère, quant à elle, les fruits évincés pour leur apparence pour préparer des confitures.

Autre exemple, Beesk valorise les écarts de production et excédents des agriculteurs et des industriels. Elle les propose à la restauration collective et commerciale. Une approche multiproduit et multi-filières donc. S’attaquer à la problématique fait ainsi naitre de nouveaux schémas logistiques, donc de traçabilité.

En plus des obligations, la loi Agec introduit un label national « anti-gaspillage alimentaire« . Un moyen de valoriser les efforts des entreprises. Les initiatives pour minimiser ses pertes ont aussi leur place dans une politique de RSE. Une dimension à laquelle clients et fournisseurs, mais aussi institutions financières s’avèrent de plus en plus sensibles.

Focus

La France avance dans l’encadrement de la lutte contre le gaspillage alimentaire. L’Etat a fixé un objectif de baisse de 50 % de gâchis en 2025, par rapport à 2015, pour la distribution et la restauration collective. L’échéance est prolongée jusqu’à 2030 pour les stades de consommation, restauration commerciale, production et transformation. Sachant que plus de la moitié du gâchis intervient lors de ces deux dernières étapes.

La dernière loi demande aussi aux industriels de réaliser un diagnostic préalable de lutte contre le gaspillage. Cette mesure s’ajoute à celles déjà instaurées, comme l’interdiction de rendre les denrées inconsommables ou l’obligation de don à des associations. Au-delà de l’obligation, cette étape peut permettre une prise de conscience pour se lancer durablement dans une chasse au gaspi.

Sources :
(1) Ademe : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie
(2) Ipsos/Secours Populaire sept. 2021
(3) Loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine
(4) Projet « IAA Témoins » : moins de gaspillage alimentaire pour plus de performance