Aiguillonnée par des crises, la traçabilité de la viande bovine s’est affinée. Son approche a servi de modèle pour suivre les produits carnés des autres espèces.

Une traçabilité bovine consolidée en réaction à deux crises majeures

Une étiquette avec les informations de suivi d’un boeuf

La traçabilité permet d’informer le consommateur sur l’origine de la viande qu’il achète, via son étiquetage.

La traçabilité des viandes bovines a été la première à être mise en place. Et ce en réaction à différentes crises mettant en défaut le suivi des produits carnés. La première : la crise sanitaire de la vache folle en 1996. Un embargo est alors imposé par l’UE sur les bovins et produits dérivés depuis le Royaume-Uni. Pour sécuriser cette mesure, de nombreux pays se dotent de systèmes d’identification des animaux. Et cela en complément de changements dans les pratiques des transformateurs. L’enjeu de la traçabilité, appliquée depuis 1990 par l’interprofession, vise en effet, entre autres, à éviter la propagation de la maladie.

En 2013, le scandale de la viande de cheval met en évidence les fragilités de la traçabilité de la viande bovine européenne. L’objet de la crise : des lasagnes sont vendues étiquetées au bœuf alors qu’elles n’en contiennent pas. La fraude commerciale révèle des manquements sur la garantie de l’origine pour les produits transformés. La tromperie implique toute la chaine alimentaire. Et elle a une dimension européenne, révélant des réseaux commerciaux tentaculaires et une certaine opacité du système. Ces deux événements ont marqué l’opinion publique. Ils ont conduit à structurer, puis renforcer, la traçabilité bovine.

Sécurité sanitaire et confiance, enjeux majeurs de la traçabilité de la viande bovine

L’expérience acquise pour la traçabilité bovine a été déclinée sur les filières des autres espèces animales. Les mesures et l’étiquetage rendus obligatoire dès 2000 sur ce secteur ont été étendues aux diverses filières en 2005. L’enjeu de la traçabilité est donc d’abord sanitaire. Identifier rapidement les foyers infectieux, isoler les produits, etc. Cela permet de limiter l’impact du problème. Etre capable de tracer les mouvements des animaux et des produits permet aussi aux éleveurs, et aux acteurs de la filière, de gérer leur production. Et connaitre l’origine de la viande donne la possibilité au consommateur de choisir en connaissance de cause. La traçabilité des produits carnés est donc bénéfique en matière de santé publique mais a aussi un intérêt économique.

De multiples étapes pour garantir la traçabilité des viandes bovines et des autres espèces

La traçabilité des viandes bovines, et de tout produit alimentaire, réside dans des moyens d’identification et de transfert des informations. Ils doivent couvrir toutes les étapes de la filière, y compris celles de commercialisation. Cela permet d’attester des conditions de production, de transformation et d’hygiène à chacun des stades. L’enjeu est d’être en mesure de retracer l’histoire de l’aliment, de l’aval, le panier du consommateur, à l’amont de la filière.

Le socle de la traçabilité de la viande bovine : chaque animal est doté d’un numéro. Un document d’identification est aussi établi pour tous les veaux. Leur circulation sur le territoire est d’ailleurs interdite sans ce passeport. Pour solidifier le suivi, l’éleveur tient un registre où il consigne toutes les entrées, sorties, naissances ou encore équarrissage touchant ses troupeaux. Les éléments d’identité vont être transmis lors de l’entrée à l’abattoir.

Une identification en chaine pour tracer les pièces de viande

La traçabilité de la viande bovine repose sur des correspondances. En regard du code d’identification de l’animal, un numéro d’abattage est spécifié à l’encre sur la carcasse. Celui-ci est aussi apposé sur les pièces de découpe. Ces informations sont centralisées au niveau de l’abattoir dans une base de données. Cela permet de remonter, à partir du numéro de carcasse, jusqu’à l’animal, donc l’élevage. Le numéro d’abattage est aussi reporté sur les factures pour être transmis au client. Le boucher, mais aussi les transformateurs, reprennent cette information pour garantir la traçabilité de la viande.

Aux stades de transformation ou de découpe, la gestion de la traçabilité de la viande se complique. Car à ce niveau peuvent se jouer des mélanges d’origines. « Un numéro de lot est créé lorsque plusieurs quartiers provenant d’animaux différents et répondant aux mêmes caractéristiques sont transformés le même jour », précise le site de l’interprofession, Interbev. Le numéro de lot d’un produit fini sera donc relié à plusieurs carcasses, donc animaux. Celui-ci est indiqué sur la facture délivrée au dernier vendeur. Il doit aussi figurer sur les étiquettes en rayon. C’est l’ultime étape pour tracer rigoureusement les viandes.

Une étiquette de plus en plus complète pour assurer la transparence permise par la traçabilité des produits carnés

Plusieurs informations doivent figurer sur l’étiquette de la viande bovine, hors hachée. Des éléments qui supposent une traçabilité efficace. Outre le numéro de lot, l’indication de l’origine des viandes fraîches est obligatoire depuis 2015 sur les emballages des steaks et autres rôtis. Le pays de naissance, d’élevage et d’abattage doivent être précisés. De même pour le numéro d’agrément de l’abattoir. Les éléments concernant l’étape de découpe doivent aussi être présents. En dehors des rayons de libre-service, ces informations doivent être affichées dans le magasin et accessibles au consommateur. Le suivi des produits ovins , caprins ou encore porcins et équins est tout à fait semblable.

En plus des identifications aux différents stades de la filière, la traçabilité des viandes repose aussi sur des contrôles officiels. Ils sont menés par les services vétérinaires de la DGAL (Direction Générale de l’Alimentation) et de la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes). Sur plus de 2000 contrôles réalisés en 2018, cette dernière a relevé un taux d’anomalie de 30%. En particulier sur l’origine. Notons que des organismes indépendants procèdent aussi souvent à des observations complémentaires. Et ce à la demande des opérateurs pour sécuriser la fiabilité des informations transmises.

Des dispositifs éprouvés pour tracer les viandes, mais une transparence encore incomplète

Concernant la restauration hors foyer, l’origine des viandes de boeuf est précisée depuis la crise de l’ESB. Mais ce n’est pas le cas pour celles de porcs, volailles ou ovins. Cette obligation devrait intervenir en 2022. Le décret d’application est en effet attendu d’ici la fin d’année. Cette mesure figure dans la loi relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires de juin 2020. Une évolution issue des Etats généraux de l’alimentation.

L’obligation d’affichage de l’origine des viandes, essentielle à l’information des consommateurs, se limite aux pièces de viande. Elle ne concerne pas celle transformée, utilisée comme ingrédient dans des plats préparés par exemple. Depuis 2016 toutefois, suite au scandale de la viande de cheval, un dispositif d’information est testé pour garantir plus de transparence. Elle concerne uniquement les préparations où la viande représente plus de 8 % du produit. La phase expérimentale, s’appuyant sur les dispositifs de traçabilité de la viande, se poursuit jusqu’à la fin 2021.

Au fil des décennies, la traçabilité de la viande bovine, et celle des autres espèces dans son sillage, n’a cessé de se consolider. Et ce pour garantir la sécurité sanitaire et la fiabilité des approvisionnements. De quoi rassurer le consommateur pour regagner sa confiance. Mais il existe un 3ème pilier pour sécuriser l’efficacité des systèmes développés. La robustesse de récupération et de transmission des données constitue un point fondamental.